Je suis en vacances pendant cinq semaines. L’été, je le passe en compagnie de mes frères et sœurs. Les journées sont très chaudes. Nous restons le plus souvent à l’intérieur de la maison, sombre et fraîche, entre sieste et jeux.
Par un après-midi de canicule, les trois cadets de la famille sont à l’œuvre. Candice devient Blanche-Neige. Deux petits nains, Robin poussant mon fauteuil roulant, moi gesticulant, tournent autour de la table de la salle à manger en chantant : « Heigh-ho, Heigh-ho, on rentre du boulot ! ». Une chaumière en carton et quelques ustensiles et nous voilà au pays de la méchante sorcière.
Assises sur les marches en pierre, côté prairie, ma sœur et moi préparons de la soupe avec de l’herbe et de la terre dans une vieille casserole. Je touille avec un gros bâton, la soupe prend une couleur verdâtre. Puis nous allons dans notre cabane de tissus et de bouts de bois jouer à la marchande.
Sous le soleil matinal, Candice m’attrape par la ceinture de mon appareil pour me maintenir debout sur des patins à roulettes et nous voilà parties à faire des allers-retours sur le trottoir derrière la maison. J’aime la sensation de vitesse !
Candice veut montrer à sa copine Delphine comment elle me fait marcher. Les quelques pas incertains dans les herbes hautes finissent mal. Nous tombons toutes les deux, je me foule un poignet dans la chute.
Philibert, Elise et Angel vont à la pêche aux grenouilles. Ce jour-là, Angel porte un tee-shirt rouge tout neuf. Au bord de la mare, Philibert a la bonne idée de découper des bouts de tissu couleur sang qu’il noue au bout de sa ligne pour que les petites batraciennes gobent sur le vif. Ça mord ! Et hop, un coup de canne à pêche et les bestioles atterrissent dans le champ derrière eux. Elise et Angel courent les attraper avant qu’elles ne sautent plus loin. En début de soirée, nos trois compères rentrent à la maison, Maman s’étonne des trous dans le tee-shirt rouge qu’Angel a dû égratigner sur les barbelés. La bonne blague !
Après le dîner, nous sommes autour de la table de la cuisine à observer Philibert et Papa en train de préparer les grenouilles : prenant les pattes de derrière, ils les assomment sur le bord de la table, coupent la tête, les dépouillent, gardent les cuisses et les conservent au frigidaire. Le lendemain, Maman prend le relais, les farine et les accommode soit au beurre persillé soit à la crème fraîche. Ces spécialités culinaires de notre région sont succulentes.
Il n’est pas rare que je traverse les prés verdoyants ou monte aux arbres sur le dos de l’un de mes frères et sœurs. Je connais les griffes des barbelés lorsque nous nous faufilons en dessous. Je connais les éraflures et écorchures dues aux écorces des arbres. Je connais également les bonnes tasses dans la piscine municipale du village et ses hot-dogs pendant les journées de grosse chaleur.
Extrait pages 71-73, chapitre 9 "Grenouilles et Cléopâtre"